La cession d’un fonds de commerce est une étape cruciale dans la vie d’une entreprise, qu’il s’agisse de la transmission d’une boulangerie, d’un restaurant, d’une boutique ou de tout autre type de commerce. Cette opération complexe implique non seulement la vente d’actifs matériels et immatériels, mais aussi le transfert de responsabilités et de savoir-faire. Dans cet article, nous explorons les différentes étapes de la cession, les enjeux juridiques et fiscaux à prendre en compte, ainsi que les bonnes pratiques pour réussir cette transition en toute sérénité. Que vous soyez cédant ou acquéreur, découvrez les clés pour naviguer efficacement dans ce processus.
I. Qu’est-ce que la cession de fonds de commerce ?
A. La définition de la cession de fonds de commerce
En France, la cession de fonds de commerce est régie par des règles spécifiques du Code de commerce (notamment les articles L.141-1 et suivants), visant à assurer la protection des créanciers et à encadrer les conditions de la transaction.
La cession de fonds de commerce est un acte juridique par lequel le propriétaire d’un fonds de commerce (ensemble d’éléments corporels et incorporels permettant l’exercice d’une activité commerciale ou industrielle) transfère la propriété de ce fonds à une autre personne, appelée cessionnaire, moyennant le paiement d’un prix convenu.
B. La différence entre vente et cession
En droit français, les termes “vente” et “cession” ont des significations distinctes, bien qu’ils se réfèrent tous deux au transfert de propriété d’un bien ou d’un droit.
→ Différence n°1 : La nature de l’opération
Vente : La vente est un contrat par lequel une personne (le vendeur) transfère la propriété d’un bien à une autre personne (l’acheteur) en échange d’un prix convenu.
Cession : La cession est un acte par lequel une personne (le cédant) transfère à une autre personne (le cessionnaire) des droits ou des biens qu’elle possède, tel qu’un fonds de commerce, une créance, des parts sociales, etc.
→ Différence n°2 : L’objet de l’opération
Objet de la vente : Il s’agit de transfert de biens corporel, telle que la vente de biens meubles (par exemple, une voiture, des meubles) ou de biens immeubles (par exemple, une maison, un terrain).
Objet de la cession : Il s’agit de transfert de droits, de créances ou de titres. Par exemple la cession de titres sociaux (actions pour parts sociales) ; ou la cession de bail.
→ Différence n°3 : Le moment du transfert
Vente : En principe, la propriété est transférée dès l’accord des parties sur la chose et sur le prix, même si la chose n’est pas encore livrée ou payée (sauf stipulation contraire).
Cession : Le transfert des droits ou créances intervient au moment de la signature du contrat de cession, sauf stipulation contraire.
C. La différence entre la vente et la reprise de fonds de commerce
La vente et la reprise d’un fonds de commerce sont deux opérations qui, bien que similaires en apparence, présentent des différences significatives en termes de modalités, d’objectifs et d’implications juridiques.
→ Différence n°1 : La nature de l’opération
La vente d’un fonds de commerce : est une opération par laquelle un commerçant (le vendeur) transfère la propriété de son fonds de commerce à un autre commerçant (l’acheteur) contre le paiement d’un prix. Un fonds de commerce comprend l’ensemble des éléments corporels et incorporels permettant l’exploitation d’une activité commerciale ou industrielle.
La reprise d’un fonds de commerce : peut inclure la vente, mais elle a une portée plus large et peut impliquer diverses modalités de transfert de l’activité commerciale. En effet, la reprise de fonds de commerce peut se faire de plusieurs manières, telles que : la vente du fonds de commerce, la location-gérance, l’apport en société ou la succession.
→ Différence n°2 : L’objet de l’opération
Vente de fonds de commerce : elle suppose le transfert direct et définitif du fonds de commerce.
Reprise de fonds de commerce : elle suppose au contraire, le maintien de l’activité avec des modalités pouvant varier selon les arrangements. En effet, la reprise de fonds de commerce, à la différence de la vente, peut inclure des arrangements où l’acquéreur prend en charge la gestion de l’entreprise, sans en être immédiatement le propriétaire. La reprise pouvant également se faire dans le cadre d’une transmission familiale ou d’une restructuration.
→ Différence n°3 : Les formalités relatives à l’opération
Vente de fonds de commerce : Le contrat de vente est conclu avec des mentions obligatoires et des formalités spécifiques.
Reprise de fonds de commerce : Ici, il est possible d’inclure des contrats de location-gérance, des apports en société, des arrangements financiers particuliers, etc.
II. Pourquoi faire une cession de fonds de commerce ?
De manière générale, on opère une cession de fonds de commerce soit pour vendre son affaire, soit pour réaliser une cession d’entreprise. Nous verrons que ces 2 motivations sont fort similaires.
A. Pour réaliser la vente de son affaire
La cession permet au propriétaire de monétiser son investissement et de tirer parti de la valeur créée au fil des ans. Cela peut représenter une étape cruciale pour ceux qui souhaitent se retirer des affaires ou changer de secteur.
B. Pour réaliser une cession d’entreprise
Dans le cadre d’une stratégie de croissance ou de restructuration, une entreprise peut céder certains de ses actifs pour se concentrer sur des segments plus rentables ou alignés avec ses objectifs stratégiques.
III. Quels sont les différents types de cession de fonds de commerce ?
Lorsque vous décidez de céder votre fonds de commerce, sachez qu’il existe différents types de cession de fonds de commerce, lesquels peuvent notamment être classés en fonction de la forme juridique du fonds, ou encore en fonction de la nature des éléments cédés.
A. La classification en fonction de la forme juridique du fonds de commerce cédé
a) La cession de fonds de commerce SARL
Comme toute cession de fonds de commerce, celle d’une SARL implique la mise en œuvre des formalités légales et fiscales prévues par la loi et décrites dans les lignes qui suivent.
Cependant, si votre fonds de commerce est une SARL, alors notez que vous devrez accomplir certaines formalités légales et fiscales spécifiques, propres aux SARL. C’est ainsi par exemple que vous serez tenu de respecter les dispositions statutaires qui régissent la réalisation d’une telle opération juridique dans une SARL. En pratique, vous devrez par exemple tenir une assemblée générale appelée à statuer sur ladite cession de fonds de commerce, tout en tenant compte de la clause d’agrément prévue dans les statuts de votre SARL.
b) La cession de fonds de commerce SAS
En revanche, si votre fonds de commerce est une SAS, alors aurez certainement moins de formalités à accomplir parce que la SAS est une forme juridique plus flexible que la SARL. A titre d’exemple, dans une SAS, il est possible que les statuts de votre société ne prévoient pas une clause d’agrément. Ce qui signifie en pratique que vous ne serez pas tenu d’obtenir l’accord de tous vos associés pour céder votre fonds de commerce.
Une souplesse qui est non négligeable et qui facilite certains aspects de la cession (même si la procédure de cession de fonds de commerce décrite ci-dessous s’appliquera également en l’espèce).
B. La classification en fonction de la nature des éléments cédés
Classer la cession de fonds de commerce en fonction de la nature des éléments cédés, c’est différencier la cession d’une PME (Petite et Moyenne Entreprise) et la cession d’un fonds de commerce sans activité. Cette différence résidant principalement dans la portée de l’opération et les éléments transférés lors de la cession.
a) La cession de PME
La cession d’une PME est une opération plus globale et complexe qui suppose la vente de l’ensemble de l’entreprise dans son entièreté, avec tous les éléments corporels et incorporels composant le fonds de commerce, ses actifs, passifs, contrats, etc… impliquant par là-même la continuité de l’activité commerciale. C’est finalement le type de cession de fonds de commerce standard, que l’on retrouve généralement. C’est par exemple le cas lorsqu’un fleuriste décide de céder entièrement son fonds de commerce lors de son départ à la retraite.
b) La cession de fonds de commerce sans cessation d’activité
Or, la cession d’un fonds de commerce sans activité est plus limitée et ne concerne que des éléments du fonds, sans la continuité immédiate de l’activité commerciale. Il s’agit alors de la vente de biens et droits isolés, sans la reprise d’une activité en cours ni transfert de l’entité juridique.
Ce type de cession peut notamment être réalisée lorsque votre fonds est sans activité, et qu’il n’y a plus de clientèle ni d’exploitation en cours. Dans ce cas-là, vous pouvez décider de céder certains éléments corporels et incorporels composant votre fonds de commerce. Toutefois, une telle cession, contrairement à la cession d’une PME, n’inclut pas la cession de l’entreprise elle-même ni de ses parts sociales. Il s’agit simplement de la vente d’actifs isolés.
C.La classification en fonction de la nature de l’activité cédée
Classer la cession de fonds de commerce en fonction de la nature de l’activité cédée, c’est dire qu’il existe autant de cession de fonds de commerce qu’il y a d’activités. En effet, chaque activité ayant ses spécificités, la cession du fonds y relatif, sera nécessairement soumise à des règles particulières, en sus des règles générales que nous évoquerons ci-dessous.
Au vu de la multitude d’activités existantes en France, dans cet article, nous avons choisi de parler de certaines activités spécifiques, celles pour lesquelles les entrepreneurs que nous accompagnons nous sollicitent généralement.
a) La cession de fonds de commerce tabac
La cession d’un fonds de commerce de tabac, communément appelé “bureau de tabac”, présente des spécificités particulières en raison de la réglementation stricte qui encadre la vente des produits du tabac.
Si vous voulez acquérir un bureau de tabac, outre les formalités générales prévues ci-dessous, et applicables pour la cession de tout fonds de commerce, vous devrez accomplir des formalités spécifiques. En effet, en tant que nouvel acquéreur de ce bureau de tabac, vous serez tenu de mettre en œuvre des démarches spécifiques auprès des autorités publiques, notamment pour obtenir l’agrément indispensable à l’exploitation de ce type de commerce. De plus, la gestion des stocks de tabac et le respect de la réglementation en matière de vente de tabac sont des aspects cruciaux à prendre en compte.
b)La cession de fonds de commerce auto-école
La cession d’un fonds de commerce d’auto-école présente plusieurs spécificités en raison des réglementations strictes entourant l’enseignement de la conduite et la formation des conducteurs.
En effet, il s’agit une opération qui nécessite la mise en œuvre d’un certains nombres de démarches administratives particulières, en plus des démarches standard applicables à la cession de tout fonds de commerce. C’est ainsi par exemple que l’obtention d’un nouvel agrément préfectoral par l’acquéreur est nécessaire. Ce dernier étant également obligé de respecter les contrats en cours avec les élèves, et de veiller à la conformité des locaux et véhicules de l’auto-école. L’implication du personnel qualifié et le respect des obligations pédagogiques sont également des éléments essentiels à prendre en compte pour sécuriser cette transaction.
c) La cession de fonds de commerce boulangerie
La cession d’un fonds de commerce de boulangerie comporte plusieurs spécificités en raison de la nature de l’activité, des biens concernés, et des réglementations applicables.
En effet, la cession d’un fonds de commerce de boulangerie nécessite une attention particulière aux aspects réglementaires (hygiène, sécurité, qualifications), au transfert des contrats et à l’état des équipements. La valorisation du fonds de commerce dépendant fortement de la clientèle, du chiffre d’affaires, et de la localisation.
Par conséquent, si vous souhaitez acquérir un tel fonds de commerce, nous vous recommandons d’être particulièrement vigilants sur les points précités, en sus des éléments généraux que nous allons définir dans les lignes qui suivent.
IV. Quelles sont les obligations du vendeur d’un fonds de commerce ?
Nous évoquerons ici les principales obligations du vendeur lors de la cession de son fonds de commerce.
A. Les obligations à l’égard de l’acheteur
Le vendeur doit garantir la propriété et la jouissance paisible du fonds. Il doit également fournir toutes les informations nécessaires à l’acheteur, telles que les chiffres d’affaires, les contrats en cours, et les dettes éventuelles.
B.Les obligations à l’égard des tiers
Le vendeur doit informer les créanciers de la cession et publier une annonce légale. Il doit aussi garantir le paiement des dettes liées à l’exploitation antérieure du fonds.
C.Les obligations à l’égard du bailleur
En principe, en cas de cession, le bailleur doit être informé et donner son accord à ladite cession (sauf stipulations contraires). Le vendeur reste solidairement responsable des loyers avec le nouvel acquéreur pendant une certaine période.
V.Comment se passe la cession d’un fonds de commerce?
A. Les différentes étapes pour céder un fonds de commerce
La cession d’un fonds de commerce suit plusieurs étapes clés. Tout d’abord, il est crucial de réaliser une évaluation précise du fonds, incluant la valorisation des actifs et la prise en compte des dettes. Ensuite, le vendeur doit trouver un acheteur potentiel et négocier les termes de la transaction. Une fois les négociations conclues, les parties doivent signer un compromis de vente qui stipule les conditions de la cession. Enfin, la vente est officialisée par la signature de l’acte de cession devant un notaire ou un avocat, suivie des formalités administratives.
B. La rédaction de l’acte de cession
L’acte de cession est un document juridique crucial qui formalise le transfert de propriété. Il doit contenir des informations détaillées sur le fonds de commerce, y compris la description des éléments cédés, le prix de vente, les modalités de paiement, et les garanties offertes par le vendeur. Ce document doit également stipuler les éventuelles conditions suspensives, telles que l’obtention d’un financement par l’acheteur.
C.Les formalités à accomplir lors de la cession
Après la signature de l’acte de cession, plusieurs formalités doivent être accomplies. Le vendeur doit publier un avis de cession dans un journal d’annonces légales et enregistrer la cession auprès des services fiscaux. Par ailleurs, il est nécessaire de mettre à jour les inscriptions au Registre du commerce et des sociétés (RCS). Ces démarches sont indispensables pour rendre la cession opposable aux tiers.
D. Les frais de cession de fonds de commerce
La cession d’un fonds de commerce engendre divers frais, tels que les frais de notaire ou d’avocat, les coûts de publication des annonces légales, ainsi que les droits d’enregistrement. Ces frais sont généralement à la charge de l’acquéreur, mais il est possible de négocier leur répartition entre les parties.
E.Les effets de la cession de fonds de commerce
La cession entraîne le transfert de tous les éléments du fonds à l’acheteur, qui devient responsable de l’exploitation de l’entreprise. Le vendeur se dégage des responsabilités liées à la gestion du fonds, à l’exception des garanties éventuellement offertes (comme la garantie d’éviction). Les contrats de travail en cours sont également transférés de plein droit à l’acquéreur, ce qui implique des obligations sociales à respecter.
VI. Comment se calcule le prix de vente d’un fonds de commerce?
A. Les éléments du fonds de commerce
Le prix de vente d’un fonds de commerce dépend de la valeur des éléments corporels (matériel, outillage, mobilier) et incorporels (clientèle, nom commercial, droits de propriété intellectuelle). La situation géographique, la réputation de l’entreprise, et la nature de l’activité sont également des facteurs déterminants.
B. Les modalités de calcul
Pour estimer la valeur d’un fonds de commerce, plusieurs méthodes peuvent être utilisées. L’approche patrimoniale évalue les actifs et les passifs, tandis que l’approche de rentabilité se base sur les bénéfices futurs attendus. Il est également courant d’utiliser une méthode comparative, en se référant aux transactions similaires dans le même secteur d’activité.
VII. Quelle est la fiscalité applicable à la cession de fonds de commerce ?
La fiscalité applicable à la cession d’un fonds de commerce concerne principalement plusieurs types de taxes et d’impôts que le cédant et l’acquéreur doivent prendre en compte.
La fiscalité applicable à la cession d’un fonds de commerce inclut l’imposition de la plus-value pour le cédant, les droits d’enregistrement pour l’acquéreur, et des considérations liées à la TVA et aux autres taxes (CET, taxes locales). Des exonérations ou allégements peuvent être applicables sous certaines conditions.
A. Impôt sur la Plus-Value dû par le cédant
La cession d’un fonds de commerce peut générer une plus-value taxable, calculée comme la différence entre le prix de vente et la valeur nette comptable du fonds de commerce. Le montant de cette plus-value est déterminé en fonction du régime d’imposition prévue par la législation en vigueur. Sachant que des exonérations sont envisageables, notamment celles prévues par l’article 238 quindecies du CGI, et l’article 151 septies A du CGI.
B. Droits d’enregistrement dus par l’acquéreur
L’acquéreur doit payer des droits d’enregistrement sur le prix de cession, calculés selon le barème progressif prévue par la législation fiscale en vigueur. En principe, ces droits sont calculés sur le prix de vente après déduction des marchandises vendues en stock.
C. TVA et autres taxes dues par le cédant et l’acquéreur
Lors de la cession d’un fonds de commerce, le cédant et l’acquéreur peuvent, dans certains cas, être tenus de payer les taxes suivantes :
-la TVA sur la cession projetée : elle n’est due que dans certains cas spécifiques
-la CET : qui n’est due qu’en application de certaines conditions
-les taxes sur salaires : si l’entreprise cédée est soumise à la taxe sur les salaires, cette obligation fiscale doit être transférée à l’acquéreur avec les salariés.
-les impôts locaux : en principe, les taxes foncières et autres impôts locaux restent à la charge du cédant pour l’année en cours, sauf accord contraire dans le contrat de cession.
D. Les garanties fiscales
Il est courant d’inclure dans le contrat de cession une clause de garantie de passif fiscal, par laquelle le cédant s’engage à prendre en charge les dettes fiscales liées à la période antérieure à la cession. Cela permet de protéger l’acquéreur contre les éventuels redressements fiscaux portant sur des périodes antérieures à la cession.
VIII. Comment protéger l’acheteur du fonds de commerce ?
A. Les précautions à prendre
Avant de procéder à l’acquisition d’un fonds de commerce, l’acheteur doit réaliser une due diligence rigoureuse pour vérifier l’exactitude des informations fournies par le vendeur, telles que les comptes financiers, les contrats en cours, et les litiges éventuels. Il est également essentiel de vérifier la conformité des locaux commerciaux aux normes en vigueur et de s’assurer de la validité des licences et autorisations (en fonction de la nature de l’activité cédée).
B. Les erreurs à éviter
Parmi les erreurs courantes, on trouve l’absence de vérification de l’état juridique du fonds (hypothèques, privilèges, etc.), la sous-estimation des frais annexes à la cession, ou encore l’ignorance des obligations fiscales et sociales. Il est recommandé de se faire accompagner par des professionnels, tels que des avocats et des experts-comptables, pour sécuriser la transaction.
Conclusion
En conclusion, la cession d’un fonds de commerce est une opération complexe nécessitant une préparation minutieuse et une connaissance approfondie des aspects juridiques, financiers et fiscaux. Que vous soyez vendeur ou acheteur, il est primordial de vous entourer de conseillers compétents pour garantir la réussite de votre projet.